Routes et chemins

« Lancier de Mr Poubelle » à l’oeuvre. Déjà immigré!

Henri et ses amis sont tributaires du réseau routier : routes nationales, départementales, communales, chemins vicinaux et forestiers, « sentier des douaniers » sur le littoral. Ils doivent en outre y affronter les conditions météorologiques (vent favorable ou non, pluies et orages, brouillard et neige, froid ou chaleur) qui transforment les conditions de « roulage ». En outre, la nature du revêtement des chaussées, les variations de la topographie (pentes, descentes, lacets) influent sur leur vitesse, leur condition physique, leur moral. Les routes qualifiées de « mauvaises », « exécrables », « ignobles » sont citées 81 fois. Si le revêtement est en cause, les pluies les rendent glissantes, boueuses et contraignent à mettre pied à terre. Une autre contrainte est celle des travaux : construction de voies ferrées, de métro, de canalisations d’eau, de rails de tramways barrent les routes où les rendent impraticables. Mais il y a aussi les « lanciers de Mr Poubelle qui transforment le matin Paris et les grandes en « piscines », les trottoirs inexistants, étroits ou défoncés, les « nids de poule », sans oublier les multiples passages à niveau qui barrent les routes :

ETAT DES ROUTES.

La Croix de Berny

« Les routes sont épouvantablement mauvaises. Ce sont de véritables rivières de boue et de cailloux. Nous sommes désespérés » (14 Mai 1889) ; Belgique (SMO) « Les pluies ont duré jusqu’à la fin du mois de Décembre…Bien qu’il fit beau ce jour là, les routes étaient affreuses, et il fallait  être enragés comme nous pour avaler ces 40 Km de boue » (25 Décembre 1892) ; « Malgré l’heure matinale [5 H ½] les lanciers de Monsieur Poubelle inondent les rues et en font de vastes cloaques » (14 Avril 1895) ; « A 4 H ½, enveloppés dans nos pèlerines, nous partons… Glissant, dérapant, jurant, sacrant, nous arrivions sans chute à la gare… La pluie redouble et pendant dix minutes, nous roulons au milieu de torrents d’eau… A la Table du Roi, nous entrons en forêt… Le terrain encore assez mouillé par endroits est formé de glaise et par suite très glissant. On dérape souvent et il faut marcher avec précaution. » (18 Avril 1897) ; « Quelle route ! D’abord, après avoir manqué de tomber plusieurs fois, j’y renonce et vais à pied. Dan ce cloaque et sous le ciel plein d’eau, je dois avoir … une allure tout à fait réjouissante… Les chemins d’hier n’étaient rien auprès de ce cloaque défoncé par les grands breaks qui, incessamment, mènent les touristes au Couvent. » (3 Août 1902) ; « L’avenue d’Orléans est entièrement barrée et je dois faire un détour pour gagner la porte d’Orléans. Entre Bourg la Reine et la Croix de Berny, alors que le trottoir est très encombré de matériaux de terrassement … » (9 Mai 1907) ; « Par exemple, il nous faut franchir de multiples passages à niveau, généralement fermés. » (20 Mai 1907).

Les routes jugées très satisfaisantes sont évoquées 50 fois, et celles qui ont une tenue   sont au nombre de 11. Le pavé et le macadam bien réalisés ou restaurés appartiennent à cette catégorie, mais aussi les trottoirs cyclables et les bas côtés aménagés et entretenus. Saluée est la décision du Préfet de Paris Lépine de contraindre les automobiles à rouler au centre des avenues et boulevards de la capitale pour laisser place à droite aux cyclistes ! « Routes d’hiver excellentes. Froid vif. » (6 Janvier 1889) ; SMO NORD « Hip ! Hip ! Hourrah ! Quelle chic promenade et comme elle m’a rappelé ces vieux souvenirs. Nous partons à 4 H 40, enfilons la grand-route nationale de Paris et arrivons à Avesnes à 6 H. Cette route est entièrement pavée mais dispose d’assez bons bas côtés … La route est épatante. Les côtes sont fréquentes mais le sol est merveilleux » (24 Juillet 1892) ; « Une partie de pavé qui voisine Voisin-le-Bretonneux a disparu. Espérons que le reste le suivra bientôt » (29 Avril 1894) ; « Cette fois cela y est, c’est la route, la vraie route sans pavés et sans usines, la route avec des arbres, des prés et des vaches. Paris nous semble déjà bien loin. »  (14 Août 1896) ; « Heureusement la route est plate et garnie d’arbres et nous y arrivons rapidement. On sent qu’on se rapproche de la mer … De l’autre côté, nous apercevons la ville de Saint Tropez. La route, très plate, ne quitte le littoral que pour couper les pointes de terre. » (7 Juillet 1897) ; « 16 Km nous séparent encore de Vannes Mais la route est belle et agréable et nous filons comme des dards. » 55 Juin 1899) ; « Me voilà sur les fameuses côtes de Chambourcy et Flins. Autrefois cela paraissait effrayant. Je crois qu’on a dû les raboter car je les enlève avec maestria…Je suis la route de Nanterre. Il y a maintenant un excellent trottoir cyclable, mais le voisinage du tramway est bien embêtant » (16 Juin 1901) ; « Après le long pavé, maintenant refait et correct, nous attrapons la vallée de l’Yvette » (24 Juin 1906) ; « J’arrive à 7 H ½ à Lisieux … La pluie cessant tout à fait, nous repartons. Ces  routes sont étonnantes car déjà elles sont presque sèches ou du moins sans boue et c’est avec délice que nous avalons la superbe descente qui mène à Cabourg » (11 Juillet 1908).

Le relief accidenté prend une place importante, et pas uniquement dans les montagnes sillonnées par nos cyclistes (Jura, Suisse, Pyrénées, Alpes). Avec leurs machines sans frein(s) et sans changement de vitesse dans les premières années, la tâche est ardue ! Henri s’est très vite équipé d’un frein (taquet sur la roue avant) puis de deux (sur jantes), Ennice et surtout Triplepatte sont munis d’un changement de vitesse et d’un rétropédalage. Les montées sont fréquemment signalées (41 fois), « enlevées ou faites à pied.» Les descentes (31 citations) ne sont pas, elles aussi, de tout repos : les freins d’Henri « chauffent » et ses  amis n’en possèdent pas !… 

Des DESCENTES

 « La route est excessivement capricieuse jusqu’au Val Suzon où nous avons une descente de près de 4 Km à travers une région splendide » (13 Mai 1889) ; «Nous avons plus de 10 Km de descente très rapide par lacets [de la Faucille] » (16 Mai 1889) ; « Abandonnant la Seine, notre route gravit la longue côte de Sainte Barbe suivie de peu d’une descente très rapide et fort dangereuse car on ne l’aperçoit que lorsqu’on est dessus et elle se termine par un pont étroit et fort mal pavé … Cet endroit est parait-il appelé le Trou du Diable » (8 Juin 1895) ; « La descente qui rejoint la route de Saint Pierre de Chartreuse est terrible et, ma foi, malgré mes deux freins, je descends, craignant une rupture…Le fait est que la descente est rapide, de 7 à 9.5%, mais de tous les points en de longs lacets. » (3 Août 1902) ; « Cependant, quelle descente et quelle route ! Nous voyons là, à nos pieds, la rivière de l’Arc. Des lacets incessants … les tournants sont terribles, la pente étant presque tout le temps à 8%. » (5 Août 1902) ; « Une superbe descente en lacets nous amène à Lizy et à la vallée de l’Ourcq que nous nous proposons de faire jusqu’à La Ferté Milon. » (3 Juillet 1905).

Des MONTEES

JURA «  Après avoir descendu pendant 2 Km, montée sans arrêter jusqu’à la Faucille, c’est-à-dire que nous faisons près de 30 Km à pied ! … Le pays est magnifique. La route tourne quelquefois trois cercles pour arriver au fait d’une montagne … Bientôt à notre grande surprise nous apercevons des tas de neige au fait d’une montagne … Avant Mijoux nous avons eu une descente de 4 Km, mais une descente absolument impraticable. La route, en lacets très rapides, est fort mauvaise par endroits. Puis arrivés à Mijoux nous avons une énorme montée pour aller à la Faucille. La route, toujours très cailloutée, monte par une moyenne de 17%. Quelquefois même la côte atteint 24% ! Et cela pendant 4 Km. C’est esquintant… » (15 Mai 1889) ; PYRENEES « Nous continuons, marchant le plus souvent à pied car la route monte toujours très raide. Bientôt la route s’élargit, et la route en de rapides lacets formant le « huit » s’élève encore davantage. C’est ce qu’on appelle le Limaçon. » (4 Juin 1893) ; « La route est d’abord plate, descendant même parfois ; mais bientôt des hauteurs surgissent, précurseurs du fameux Massif de l’Estérel. En effet la pente s’établit et devient bien vite inquiétante… Le Guide [BARONCELLI] nous dit qu’après 5 Km de montée douce viennent 5 Km de montée dure. Que sera-ce donc tout à l’heure ? » (7 Juillet 1897) ; « Nous partons à 6 H Boinet et moi et enlevons la côte de Chatillon seuls : de nombreux la gravissent péniblement à pied ». (4 Août 1901) ; « On arrive à Coucy le Château par une longue côte en lacets que j’essaie de gravir. Je dois y renoncer car la boue est tellement visqueuse que ma roue tourne sans avancer. » (30 Mars 1902) ; « Galibier. l’étape débute par 2 Km à 14%. Même à pied, c’est terriblement dur de trainer les machines sur une semblable pente. » (5 Août 1902)

Des « MONTAGNES RUSSES »

ANGERS = « A peine sortis de la ville qu’une côte se présente, immédiatement suivie d’une descente à laquelle succède une nouvelle côte et ainsi de suite sans interruption sans qu’il y ait 50 m de plat … La route continue, très accidentée … En plus des côtes, le terrain est mauvais, plein de cailloux et de sable noirâtre. » (18 Août1896) ; « Je rattrape la nouvelle route qui se continue par une dure montée… Enfin, après une quinzaine de Km faits ainsi, après avoir avalé pas mal de côtes, j’arrive à Morlaix par une longue descente. » (21 Juin 1900) ; « Je sors de Mareuil par une assez longue côte qui m’élève à 62 m –j’étais à Luçon à 2 ou 3 m – puis la route, droite comme un I, mais vallonnée d’une très agréable façon, me conduit à St Florent des Bois… Mais par exemple quel train ! Le sol est magnifique, une vraie piste, et la route très vallonnée. Il n’y a pas 500 m de plat dans les 19 Km qui séparent la Roche et la Mothe. Ce ne sont que descentes succédant aux montées J’emballe cela superbement …19 Km en 52 minutes ».

Enfin les chaussées des villes, quelque soit leur taille (ainsi qu’en « Allemagne » = II° Reich ; en Belgique, en Suisse et à Jersey), sont revêtus de pavés. Henri peste contre la plupart d’entre elles, qui sont « épouvantables » et « glissantes ». Mais les axes routiers sont aussi empavés, où se côtoient les routes « ignobles » et les «routes « convenables ». Les travaux de transformations de ces chaussées sont souhaités ou bien accueillis. Ce n’est qu’entre 1904 et 1914 que des expériences de goudronnage par des enrobés de bitume seront tentées, mais il faut attendre les années 20 pour en voir le développement.

LES PAVES DES VILLES.

Grand rue de Triel en 1895

« Peu après la pluie, me voilà évoluant dans les voitures du boulevard, inquiet du fâcheux pavé glissant » (16 Mai 1895) ; « Nous entrons dans Pontoise, mais les rues sont horriblement pavées » (6 Juin 1897) ; « Marseille. En plus de cela arrivent bientôt les pavés, des pavés ignobles » (4 Juillet 1897) ; « Pour gagner du temps, je prends l’ancien itinéraire par la rue Saint Charles, mais les pavés soulèvent des protestations » (9 Avril 1899) ; « Ce chemin, qui monte indécemment, est bientôt pavé de dalles aussi énormes qu’irrégulières sur lesquelles nos pieds se tordent, cependant que nos poumons s’essoufflent » (2 Juillet 1903) ; « Nous rejoignons Boinet et moi par le cahoteux pavé de l’avenue de l’avenue de Choisy le boulevard de la gare. » (10 Juin 1906) ; « Il est midi ½ quand nous entrons dans Rochefort en Terre dont les pavés sont en complète harmonie avec les maisons au point de vue pittoresque » (26 Juillet 1910).

LES PAVES « DES CHAMPS ».

« Nous prenons la route de Crespières presqu’entièrement pavée » (23 Juin 1889) ; SMO « « De Maroilles à Landrecies, la route est pavée avec bas côtés » (1° Août 1892) ; « les pavés sont énormes et les bas côtés encore impraticables… Je n’ai fait que les deux côtes pavées à pied et n’ai mis pied à terre que ces deux fois là » (12 Mars 1893) ; « Pour gagner Villeneuve Saint Georges, nous prenons la route la plus courte, mais entièrement pavée de Choisy le Roi » (5 Avril 1896) ; « Dans Bourg la Reine, nous quittons la grand-route et, par une horrible côte pavée, gagnons les hauteurs d’Hay les Roses » (31 Mai 1896) ; «  «  La côte de Juvisy, qu’il faut gravir par un étroit sentier coupé de pavés, était terriblement raide » (1900) ; « Me voilà embarqué sur cette rue de Pologne aux pavés effrayants » (16 Juin 1901) ; « Nous prenons la route de Montmorency mais n’allons pas jusqu’à l’église, un pavé menaçant nous barrant le chemin … La route de Bezons dans ses bandes pavées est pourvue de trottoir cyclable mais il est si étroit que deux cyclistes ne peuvent se croiser et qu’il faut que l’un descende » (21 Août 1901) ; « La grande route de Gisors dont le Touring a permis de faire le pavé avec d’excellents trottoirs » (21 Août 1901) ; « Il nous a fallu faire 2 Km de pavés avant de trouver la route » (30 Mars 1902) ; «Après le long pavé, maintenant refait et correct, nous attrapons la vallée de l’Yvette » (24 Juin 1906) ; « Me voilà bientôt devant la côte du Pecq. Elle est maintenant pavée et horriblement pavée » (25 Août 1907) ; 

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